Lourdes, été 1854
En 1854, une violente épidémie de choléra atteint Lourdes, dans les Hautes-Pyrénées. Elle s’inscrit dans le cadre de la troisième pandémie mondiale qui touche alors une grande partie de la France. L’épidémie se répand à partir de l’été, favorisée par les déplacements de populations venues du sud, par l’insalubrité générale, et par l’absence totale d’infrastructures sanitaires. Lourdes, alors village de moins de 4 500 habitants, vit dans des conditions de pauvreté et de promiscuité. Aucun chiffre officiel ne subsiste pour la commune, mais les données des cantons voisins permettent d’en évaluer la gravité. À Cabannes, dans l’Ariège, on recense 795 morts pour 2 000 malades. À Limoux, dans l’Aude, 151 décès sont enregistrés en trois mois. On estime que certains villages ruraux atteignent jusqu’à 10 % de mortalité.
Le choléra est une maladie bactérienne transmise par l’eau. En 1854, son origine exacte est encore inconnue. La maladie provoque des diarrhées liquides soudaines, des vomissements violents et une déshydratation brutale. Les malades sont rapidement affaiblis, leur peau devient livide, leurs yeux s’enfoncent dans les orbites, et leur respiration se fait courte. Dans les cas graves, la mort survient en moins de vingt-quatre heures. Les traitements sont sommaires et reposent sur des moyens empiriques : infusions, lavements, tentatives de réhydratation.
C’est à cette même époque qu’un nouveau curé est nommé à Lourdes. L’abbé Dominique Peyramale, âgé de trente-neuf ans, prend ses fonctions en mars 1854, quelques mois à peine avant que ne survienne l’épidémie. Très rapidement, il s’engage personnellement auprès des malades. Il visite les foyers contaminés, distribue des potages, nettoie les linges, tente de soulager les douleurs, sans craindre pour sa propre santé. Son action est notée par plusieurs témoins de l’époque. Il se rend chez les plus pauvres, entre dans les maisons infectées, reste parfois plusieurs heures auprès des mourants. À ce moment-là, il n’est pas encore la figure centrale des événements religieux à venir, mais il s’impose déjà par son autorité directe, sa voix grave, son calme.
Dans ce contexte, Bernadette Soubirous, âgée de dix ans, contracte elle aussi le choléra. La famille vit alors dans des conditions d’extrême misère. Elle est atteinte des formes les plus sévères de la maladie : vomissements, diarrhées continues, épuisement rapide. Elle est allongée, incapable de se lever. Sa respiration devient irrégulière. Elle garde le silence, parfois délire. Sa mère reste à son chevet. Le curé Peyramale vient la voir, comme il visite d’autres familles. Il reste un moment auprès d’elle. Il parle peu. Il examine, constate, tente de faire boire quelques gorgées. Il prie. Il ne promet rien. Bernadette survit. Plusieurs enfants de son âge n’y résistent pas. Elle gardera toute sa vie les séquelles de cette infection. Dès cette époque, elle développe une forme d’asthme chronique, accompagnée de crises répétées. Quelques années plus tard, on lui diagnostiquera une phthisie osseuse, localisée au genou droit. Ces affections sont considérées par les médecins comme des conséquences directes de l’épisode infectieux subi dans l’enfance.
Ces troubles respiratoires et cette fragilité générale la suivront jusqu’à sa mort. Malgré cela, elle n’est pas retirée du monde, elle continue de vivre, de travailler, de prier, de marcher. Cette endurance physique, dans un corps déjà marqué, renforce plus tard la perception de sa force intérieure.
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